Le biocontrôle des maladies se développe en horticulture florale, pépinières et espaces verts
Depuis quelques années, les méthodes de biocontrôle des maladies se multiplient. Micro-organismes, substances de base, préparations naturelles... (*) bénéficient d'un contexte politique propice. Mais la réglementation est lente à se mettre en place.
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Les professionnels de l'horticulture florale, des pépinières et du paysage intègrent de plus en plus les moyens de biocontrôle dans leur stratégie phytosanitaire. Après avoir permis une meilleure maîtrise des ravageurs, la protection biologique et intégrée (PBI) offre aujourd'hui des solutions complémentaires contre plusieurs maladies, en conformité avec la réglementation phytosanitaire.
1 LA GESTION DES ÉQUILIBRES DES POPULATIONS. Le biocontrôle regroupe l'ensemble des méthodes de protection des végétaux qui mettent à profit des mécanismes naturels et des interactions entre les espèces et l'environnement. Il vise à ramener à un niveau acceptable les méfaits des organismes nuisibles, en référence à des seuils de nuisibilité quand ils existent. Son principe est fondé sur la gestion des équilibres des populations de bioagresseurs, plutôt que sur leur éradication. Il a recours quelquefois à des substances chimiques de synthèse. La PBI privilégie le biocontrôle, ainsi que d'autres méthodes alternatives (variétés tolérantes, pratiques culturales, mesures prophylactiques...).
Selon le ministère chargé de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, les produits de biocontrôle sont des produits et agents mettant en oeuvre des mécanismes propres aux plantes ou aux bioagresseurs, des dispositifs naturels et/ou des dispositifs limitant l'application dans le milieu naturel de produits à risque pour la santé ou l'environnement, permettant de maintenir les organismes nuisibles aux cultures et produits végétaux en dessous de leur seuil de nuisibilité. Le biocontrôle inclut quatre catégories distinctes, à savoir :
- les macro-organismes auxiliaires ;
- les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes ;
- des médiateurs chimiques comme les phéromones, les allomones et les kairomones ;
- des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale.
La première catégorie rassemble des invertébrés (insectes, acariens, nématodes) qui sont des prédateurs, parasitoïdes ou parasites d'animaux nuisibles aux cultures. Les trois dernières catégories de substances sont des produits phytopharmaceutiques au titre de la réglementation européenne (règlement CE/1107/2009). Pour être distribués sous forme de spécialités commerciales dans les différents pays membres, ces produits sont obligatoirement assortis d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par le ministère chargé de l'Agriculture (on dit qu'ils sont « homologués »), après une phase d'évaluation des risques toxicologiques et écotoxicologiques vis-à-vis de la santé publique et de l'environnement (mammifères, oiseaux, abeilles, vers de terre, micro-organismes du sol, organismes aquatiques...). Ces molécules doivent également présenter une efficacité reconnue officiellement contre les bioagresseurs-cibles, ainsi qu'une bonne sélectivité vis-à-vis des cultures traitées.
Les deuxième et quatrième catégories concernent la lutte contre les maladies des cultures, tandis que les deux autres sont destinées à la maîtrise des ravageurs.
2 RÉPONDRE AUX ATTENTES DES PROFESSIONNELS. Les travaux de recherche sur les moyens de biocontrôle des maladies ont privilégié dans un premier temps les cultures destinées à la consommation, notamment dans le but de fournir des moyens compatibles avec le cahier des charges de l'agriculture biologique (AB) et de limiter les dépassements de limites maximales de résidus (LMR) dans les denrées récoltées. Sur ce point, les substances chimiques de synthèse sont souvent les plus persistantes et elles génèrent des produits de dégradation ou métabolites dans les tissus végétaux, dont certains sont toxiques pour la santé humaine.
Mais depuis quelques années, les professionnels de l'horticulture et du paysage sont également demandeurs de méthodes de biocontrôle des principales maladies dans le but de parfaire la PBI. Certes, les plantes d'ornement, à de rares exceptions, ne sont pas consommables et les dépassements de résidus ne sont pas réglementés. Mais cet intérêt grandissant pour le biocontrôle semble reposer principalement sur des raisons techniques liées à l'action novatrice et préventive de certains produits, sur la possibilité de contourner la résistance de champignons phytopathogènes (Botrytis, oïdiums, rouilles, Phytophthora, fusarioses...) à l'égard des molécules chimiques, sur le fait que certains fongicides de synthèse sont incompatibles avec l'activité d'auxiliaires utilisés contre les ravageurs en PBI et, plus globalement, sur les attentes de la société civile, des pouvoirs publics, ainsi que de certains acteurs du marché des végétaux. Par exemple, des plantes aromatiques, médicinales et condimentaires, à la fois ornementales et alimentaires comme celles de la famille des Lamiacées (basilic, sauge, romarin, thym, menthe...), pourraient profiter d'une utilisation plus fréquente des produits de biocontrôle par les professionnels, notamment pour faciliter la consommation de ces plantes dès l'achat en jardineries ou autres points de vente.
En espaces verts, les nombreuses collectivités territoriales qui ont entrepris des démarches « zéro pesticide » et des entreprises paysagistes sont également en attente de produits de biocontrôle pour prévenir des maladies préoccupantes comme la cylindrocladiose du buis, le mildiou de l'impatiens hybride ou des affections plus anciennes, mais inesthétiques, telles que les taches noires, l'oïdium et la rouille du rosier.
3 PERSPECTIVES DE BIOCONTRÔLE CONTRE LES MALADIES
en productions horticoles et espaces verts. En moins de dix ans, la situation réglementaire et législative des produits phytosanitaires a sans cesse évolué sur la base de nouveaux textes, programmes ou dispositifs, tant au niveau de l'Union européenne que de la France : directive cadre sur l'eau, Grenelle de l'environnement, plan Écophyto, programme ministériel « Produisons autrement » en faveur de l'agroécologie, liste Nodu vert des produits de biocontrôle (NVB), loi n° 2014-110 du 6 février 2014, dite « loi Labbé », visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national en zones non agricoles (ZNA), loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF), projet de révision de l'arrêté national du 28 novembre 2003 fixant les conditions d'utilisation des insecticides et acaricides en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs...
Dans ce contexte, le 22 avril 2014, lors d'un forum national sur le biocontrôle organisé à la Cité des sciences et de l'industrie de Paris par Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, les intervenants ont indiqué des mesures prioritaires à mettre en oeuvre en faveur du biocontrôle : « Une filière d'avenir pour produire autrement », avec un accent mis sur la recherche et le développement des moyens de lutte biologique. Ce large champ d'investigation est porteur d'une dynamique partagée par diverses structures, notamment l'Inra, des labo ra toires universitaires, des firmes spécialisées dans la lutte biologique, l'Astredhor pour les productions horticoles ornement a l e s , l'Iteipmai pour les plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires (PPAMC) ou encore Plante & Cité pour les jardins et espaces verts en zones non agricoles (ZNA).
Les travaux de ces acteurs, associés à ceux des techniciens et conseillers sur le terrain, devraient permettre dans les années à venir de développer le biocontrôle des maladies en horticulture florale, pépinières et espaces verts et d'offrir aux producteurs et gestionnaires d'espaces verts des solutions efficaces et durables de protection intégrée des végétaux, en complément ou substitution des méthodes disponibles. De leur côté, les pouvoirs publics devraient, notamment en France dans le cadre de la nouvelle loi d'avenir pour l'agriculture, favoriser la mise sur le marché des produits de biocontrôle, faciliter leur usage et renforcer le conseil pour la mise en oeuvre de la lutte intégrée.
Jérôme Jullien
(*) Lire en pages 12 et 13.
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